John et le bonheur (Une histoire sur les addictions)
Sommet
Ding, Dong... L’ascenseur immaculé arriva au sommet du Burj Khalifa. Accompagné de son garde du corps et d’une femme sublime, de dorée vêtue. John était l’organisateur d’une soirée luxueuse ou tout abondait. Serveurs en smoking, couturiers, artistes, femmes d’affaires, la crème des crèmes était sur son 31. Immensément reconnu pour sa carrière fulgurante, il faisait l’unanimité auprès de ses convives. Il s’assit sur un canapé gigantesque en plein milieu de l’assemblé auprès de ses partenaires de business.
J’ai appris que demain, tu allais signer un contrat avec un zéro de plus, dit l’un d’eux, le sourire jusqu’aux oreilles facilité par un premier verre de champagne succulent.
Oh, rien d’incroyable, tu sais, si l’ascenseur de ce bâtiment pouvait aller plus haut, je continuerais jusqu’au dernier étage...
Ce soir-là, il atteint le sommet. Au Rooftop de la plus haute tour du monde, il était au cœur du spectacle. Sur un fond de piano- jazz, la danse de cette foule privilégiée s’accélérait. Des compliments mielleux abondaient à ses oreilles, les femmes lui
offraient leur plus beau sourire, les friandises les plus fines étaient disposées en abondance tout autour de la salle vitrée et illuminée. De tout ceci, il en fit un mélange qu’il consomma sans mesure. Enivré, il riait, et riait encore, si fier de son scandaleux succès. Comment pouvait- on jouir de tant de bien en si peu de temps ? Épuisé, il s’endormit dans sa chambre d’hôtel.
« Ces plaisirs sont illusion... » C’est ce qu’il entendit au loin, dans son rêve.
Sommeil
Encore embrumé par la veille, John mis du temps à émerger. Il posa ses pieds nus sur un parquet défraîchi. Il sentait sous ses mains une couverture abîmée. Ça sentait le bois, la neige, il faisait froid. Il réalisa qu’il n’était pas dans son hôtel. Il était dans une petite cabane, perdu sur une montagne enneigée.
Clic... La porte était fermée.
John tenta par tous les moyens de sortir, en vain.
Il finit par se poser sur son lit, et à se raisonner : Comment quelqu’un comme lui avait pu être piégé là ? Inexplicable.
John était pris de panique.
Il leva les yeux pour mieux observer la petite pièce. Devant lui, toutes les sources de plaisirs, tentations auxquelles il ne pouvait résister, étaient à sa disposition. Jeux vidéos, friandises, alcools, drogues, pornographie... il se sentit rassuré. Il prit une cigarette. En la fumant, il eut un grand soulagement... Et s’apaisa.
Il comprit qu’il serait coincé ici pour un petit moment. Il se mit à jouer aux jeux vidéo, à fumer davantage, à goûter de nouvelles friandises.
Pendant ce qui lui semblait être un mois, il vivait une vie assez équilibrée, son mental robuste l’empêchait de déchanter.
Mais la solitude se faisait pesante... Il perdait de plus en plus la raison, négligeait ses bonnes habitudes et se laissait aller sur les mauvaises. Déjà abîmé, Il tourna les yeux vers une nouvelle source de plaisir.
Furie
Une friandise blanche. Un Shoot 100 fois plus fort que le sucre, dont il s’était lassé.
Son premier shoot fut salvateur. Il sautait, dansait, il ne pouvait plus s’arrêter de rire, en folie.
Son deuxième, tout aussi plaisant, avait perdu le goût de la « première fois ». Son plaisir fut divisé encore avec le troisième. Et à chaque fois, la chute était plus violente. Pour fuir sa terrible solitude, il prit des substances plus dures et multiplia les prises jusqu’à être insensible.
3 mois de confinement. Le stock de friandises, comme par magie, n’avait pas diminué. Mais il avait beau augmenter les doses, elles n’eurent plus aucun effet sur lui. Aucun.
Il était sans vie. Il n’eut que la force de bouger ses yeux en direction de la porte, il l’a maudissait. John ne l’avait jamais remarqué... Mais sur la porte était écrit, taillé au couteau dans le bois : L’addiction née de la solitude... Il relut attentivement :
« L’addiction née de la solitude. »
Il pensa : Finalement, cette cabane ne serait-elle pas à l’image de ma vie ?
Dans sa chambre dorée, tous les plaisirs abondaient, mais aucune âme ne vivait. Il réalisa qu’il se sentait profondément seul, aussi bien en plein milieu du Salon Rooftop du Burj Khakifa que dans sa cabane intérieure.
- L’addiction née de la solitude... Alors il faut se reconnecter. Se reconnecter d’abord à soi.
Est-ce vraiment cette abondance de plaisirs qui me rend heureux ?
Éveil
Dans sa cabane, des plaisirs, il en avait fait le tour. Il ne restait qu’un grand vide auquel il devait faire face. De toute façon, il en avait tellement abusé qu’ils ne lui faisaient plus rien. Il s’assit en tailleur sur son lit. Il ferma les yeux, et tourna son regard vers l’intérieur.
Sa souffrance était immense et le vide, sans limite. Il l’observa attentivement...
Une saison passa. Décidemment, le vide était immuable. Mais... la souffrance, elle avait disparue.
Il se dit alors :
Voici ce qu’est vraiment le vide.
Et cela ne le mis pas mal à l’aise. Alors pour la première fois, il accepta la situation.
Il ne songea même plus à profiter des plaisirs autour de lui, pourtant infinis. Et c’est là qu’il sentit une nouvelle émotion se diffuser, petit à petit... Une émotion stable, saine, qui n’avait rien avoir avec toutes ses stimulations du passé. Au moins il cherchait les plaisirs, au plus cette émotion grandissait en lui. Le bonheur.... Le Vrai ? Chaque jour, son bonheur grandissait. Il se diffusait dans son cœur comme un doux parfum. Il ne le désirait pas, il venait naturellement... Sans effort.
Finalement, quand il méditait, il ne pouvait s’empêcher de sourire. Son cœur rayonnait.
La porte s’ouvrit. Il s’était reconnecté à lui- même. Il se souvint de qui il était réellement, hors de tout plaisir extérieur. Qui il était avant son succès fulgurant.
« L’addiction naît de la solitude... »
Après soi-même, il fallait se reconnecter aux autres. Ouvrir son cœur et arrêter de tout calculer. Il alla auprès de sa famille.
Il rassura ses proches dans la tendresse, qui ne croyaient plus en son retour.
- Je suis désolé... D’avoir été aussi distant ces derniers temps. Je tenais à vous dire... À quel point je vous aime.
Quand il reprit son activité, il était libéré de ses pulsions de domination. Il entreprenait différemment, en conscience. Il ne ressentait plus la peur de ne pas avoir assez, de ne pas être reconnu aux yeux des autres, de ne pas profiter suffisamment de la vie... Pour autant, est-ce qu’il profitait moins de la vie ? Était-il moins performant qu’avant ?
En tout cas, le Bonheur, lui, était intact.
Source
Guillaume Paillette - Fondateur